La dette africaine, un boulet pour les économies

La dette africaine est considérée comme un goulot d’étranglement de l’essor du continent où la gouvernance patrimoniale de la majorité des Etats ne permet pas d’exécuter une vision à long terme, estiment des experts. Récemment, la Secrétaire générale de la présidence de la République togolaise, Mme Sandra Ablamba Johnson, a pointé du doigt les contraintes liées à l’endettement des pays africains, coincés entre une durée de maturité très courte et des taux des plus en plus élevés. Mme Johnson, qui s’exprimait devant un parterre de personnalités présentes au Sofitel Abidjan (Côte d’ivoire) pour animer un Think Tank baptisé « A new Road », le jeudi 6 mai 2021, a évoqué les nombreux problèmes qui étranglent les gouvernements africains. « Le coût de la dette est réel. Les pays africains sont endettés, mais c’est le coût de la dette qui constitue le pilier de ce surendettement », a-t-elle déclaré, ajoutant que les Africains ont du mal à accéder à la dette à cause du taux de maturité faible (entre 3 et 5 ans), avec toute la pression que cela suppose. « Vous convenez avec moi que pour ce vous devez payer dans 5 ans, vous aurez du mal à faire des infrastructures assez solides comme ils le font dans les pays asiatiques et autres », a-t-elle souligné. Entre 2013 et 2017, le taux d’intérêts est passé de 4% à 12% en moyenne au moment où la croissance sur le continent n’a pas suivi, a dit la responsable togolaise qui a également dénoncé la dépréciation cumulative des taux de change et le niveau relativement élevé des déficits primaires (1). Mme Johnson souligne le fait que les conventions, signées avec les bailleurs de fonds, sont évaluées en monnaie étrangère, et, dénonce-t-elle, « quand il s’agit de payer, nous payons le double de ce qui est signé dans ces conventions ». Parallèlement à ces difficultés, le ratio moyen de la dette est passé de 60% en 2019 à 70% en 2020 à cause de la crise du Covid-19. Globalement, la dette des 54 pays africains est évaluée à environ 365 milliards USD, soit environ 2% de la dette mondiale. Pour Mme Johnson, l’une des solutions à cet endettement effréné est de renforcer le secteur privé au niveau local, en encourageant le partenariat public-privé (PPP) qui ne sera pas créateur de dette, mais qui sera un soutien au développement et à la croissance. L’idée fondamentale dans ce schéma de PPP est de favoriser la transformation sur place de nos ressources sur la base d’une dette qui sera payée en monnaie locale, donc gérable pour la plupart de nos économies. Pour sa part, l’expert béninois, Ahmet Aguenon, Associé chez Southbridge (une entreprise panafricaine de conseils), a fustigé le pillage des ressources africaines, les obstacles institutionnels et les agences de notation dont les rapports déterminent la perception de la dette des pays. Selon lui, il est nécessaire « d’innover et de challenger le statu quo » pour redresser la situation. « On ne peut pas continuer d’emprunter à des taux qui font deux fois plus que nos taux de croissance », a-t-il dit. De son côté, M. Stanislas Zeze, PDG de Blomfield Investment Corporation, une agence de notation panafricaine, assure que «l’essentiel des ressources des pays africains ne devrait pas être la dette ». La dette devrait être un surplus, un bonus, a-t-il souligné, ajoutant que l’essentiel des ressources devrait être les ressources propres. Selon lui, il est important de comprendre «les règles universelles et simples » de la dette. La première chose est de respecter le principe de rembourser sa dette ; la deuxième chose est la qualité de crédit ; en clair, l’argent coûtant en fonction de la probabilité de défaut et la capacité et de la volonté du pays à faire face à ses obligations financières, a-t-il expliqué. Cet expert conseille de réduire le taux d’imposition pour élargir l’assiette fiscale, transformer l’économie de sorte à avoir toute la chaîne de valeurs dans le pays et être capable d’avoir des produits finis qui vont s’exporter et rapporter des devises étrangères. Sur le sujet de la dette, il estime qu’il faudrait penser à s’endetter plus en monnaie locale plutôt que de le faire en devises étrangères qui, au finish, fragilise les pays africains. « (Aujourd’hui), le Bénin ne peut pas emprunter au même taux que l’Australie parce que la qualité de crédit n’est pas la même », conclut-il. ------------------------------------------------------------------------------------------------------ (1) En économie , l'expression solde primaire désigne la situation budgétaire d'une unité institutionnelle pour une période donnée hors paiement des intérêts pour l'encours de sa dette durant cette période. On parlera de déficit primaire si ce solde est négatif, et d'excédent primaire s'il est positif, même si le budget total (y compris les intérêts) accuse un déficit .

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