Ces « Chiites » africains, l’OFAC et le Hezbollah

L’Office of Foreign Assets Control (OFAC) a inscrit Ali Saadi et Brahim Taher, deux riches personnalités guinéo-libanaises, dans sa liste avec des accusations graves de « financement du terrorisme » en faveur du Hezbollah. Les hommes d’affaires d’obédience chiite, et originaires du sud-Liban, qui ont tous les deux manifesté leur surprise de n’avoir pas été interrogés sur les faits présumés, ont catégoriquement rejeté les accusations et entamé une démarche légale visant à effacer leurs noms de la fameuse liste. Suivant la grille d’analyse, le Hezbollah libanais est considéré comme un « parti politique », un « mouvement de résistance » ou une « organisation terroriste ». Des dizaines de milliers d’Africains, d’origine libanaise, pourraient faire les frais d’un conflit qui risque de perdurer et d’affecter leurs vies, estime une de nos sources. En réalité, l’histoire commence en 2003, quand la police belge effectue une descente à Anvers, dans les bureaux de Soafrimexque les limiers affirment appartenir à Kassem Tadjeddine, l’homme qui a permis la construction du « Grand marché », dans le quartier Bonfi, en banlieue de Conakry, la capitale guinéenne. Selon plusieurs sources, Tadjeddine a également construit plusieurs immeubles sur la corniche nord de Conakry, suite aux accords avec les autorités de l’époque. En réalité, l’opération policière visait selon des sources belges, à démanteler un réseau qui vendait des « diamants issus des conflits (armés) », avec des soupçons de financement du Hezbollah. Toutes ces accusations sérieuses vont tomber une à une, faute de preuves, mais la police belge - qui a poursuivi ses enquêtes jusqu’au Liban - change de perspective après la découverte, selon elle, d’un système de « double facturation » d’un montant global de plus de 50 millions d’euros pour « divers clients » dont le plus important, l’entreprise Congo Futur. Selon les policiers belges, les factures adressées à Soafrimex étaient inférieures aux montants réellement exigibles. Kassem Tadjeddine, deux de ses frères et sa femme, sont inculpés et condamnés à diverses peines allant parfois jusqu’à deux ans de prison avec sursis. A partir de là, la justice américaine se met en branle. Sur des accusations d’avoir financé le Hezbollah pour « plusieurs dizaines de millions de dollars USD », Kassem Tadjeddine est placé sur la liste de l’OFAC à partir de 2009, une décision qui le coupe du système financier américain. Un de ses frères, dénommé Ali, décrit par les enquêteurs américains comme un ancien commandant du puissant mouvement chiite, est également inscrit sur la liste de l’OFAC, en dépit de ses dénégations par rapport à ses liens d’affaire avec le Hezbollah. « Depuis au moins décembre 2007, Ali Tajeddine (sic) a utilisé Tajco SARL, opérant sous le nom de Tajco Company LLC, comme principale entité pour acheter et développer des propriétés au Liban pour le compte du Hezbollah », affirme le Trésor américain pour justifier ses mesures. TajcoCompany LLC serait détenu, selon l’OFAC, par cinq frères Tadjeddine, avec chacun des parts à hauteur de 20%. Kassem Tadjeddine a tout le temps clamé son innocence. Selon lui, une « confusion manifeste » a été faite entre les avoirs de son frère et les siens propres en voulant établir un lien de financement direct de l’organisation chiite. « J’ai toujours dit que mon inscription sur la liste des ressortissants spécialement désignés était inappropriée, et que je n’ai jamais fourni de financement ou tout autre soutien à une organisation terroriste ou au Hezbollah », écrit-il à ses avocats après qu’un consortium de journalistes ait soutenu qu’il a utilisé des sociétés écrans installées en République démocratique du Congo, sous l’ex-président Joseph Kabila, pour relancer ses affaires et contourner les sanctions américaines. Nos sources révèlent que lorsque Kassem Tadjedinne est arrivé en Guinée, il se débattait encore pour sortir de la liste de l’OFAC. Mais, une zone d’ombre subsiste à ce niveau, eu égard aux informations limitées fournies par les Américains. Le guinéo-libanais Ali Saadi (il détient aussi la nationalité française)souligne qu’il n’a jamais su que Kassem Tadjeddinne était sous sanctions américaines avant son arrestation à l’aéroport Mohamed V (Maroc) en 2017. En dépit de tout, cette version pourrait être crédible, tant il est vrai qu’en l’absence d’une interpellation directe (par courrier ou par téléphone), la liste de l’OFAC est un gros pavé de plus de 1706 pages où il faut vraiment chercher pour savoir qui est sous sanction ou pas. « Je n’ai rien à me reprocher. Je n’ai jamais donné un seul dollar USD au Hezbollah. J’ai accédé à une requête du président Alpha Condé qui voulait construire un marché pour éviter que les rues de Conakry soient envahies par les vendeuses. Je n’ai ni participé aux négociations, ni signé aucun contrat », martèle Ali Saadi. Pour sa part, Brahim Taher, que le Trésor public américain accuse d’avoir « soudoyé des douaniers » à l’aéroport de Conakry pour sortir de l’argent de Guinée, a fermement nié le contenu du rapport du Trésor public américain. Là aussi, les éléments fournis par les Américains ne permettent pas d’asseoir une vraie conviction sur les liens supposés entre le patron de Métal Guinée et le Hezbollah libanais. Westaf Mining .................................................................................................................................

WESTAF MINING édition numéro 89 du 15 Novembre 2024

Ces « Chiites » africains, l’OFAC et le Hezbollah

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