La CRIEF pour décourager les velléités de détournement de deniers publics ?

La Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) a été créée par la junte militaire pour juger de présumés coupables de détournement de deniers publics et auteurs supposés d’autres infractions commises sur le dos de l’Etat, tout en cherchant à décourager de telles pratiques à l’avenir. Mais les choses ne sont pas si simples… Avant même la première déclaration officielle du procureur spécial de la CRIEF, relative à une liste de personnes physiques ou morales devant passer sous les fourches caudines de cette juridiction d’exception - ayant compétence sur l’ensemble du territoire national -, le procureur général près de la Cour d’appel de Conakry, Charles Alphonse Wright, a révélé publiquement une liste de présumés auteurs d’infractions ou leurs complices ( voir document ), dans un show médiatique qui a gêné aux entournures certains praticiens du droit. « Cette sortie n’était nullement nécessaire dans la mesure où on a vu que certaines personnes et entreprises ont été citées nommément en public ; des sommes qui auraient été détournées révélées et même des numéros de comptes bancaires affichés. Cela complique inutilement le traitement de ces affaires », a dit à WESTAF MINING un expert en droit. Selon lui, le fait même que le procureur spécial de CRIEF fasse sa propre déclaration publique, en évitant de donner des éléments comme les numéros de comptes des personnes et entités poursuivies, est une manière de rectifier le tir. « Les avocats de la défense vont mettre l’accent sur ces questions de forme et cela pourrait compromettre les jugements de fond. Ce sont des choses délicates qu’il faut toujours savoir traiter avec la froideur requise pour éviter que d’éventuels coupables ne puissent échapper à la justice du fait de situations qu’on aurait pu éviter. En dehors du secret de l’instruction, qu’est-ce qu’un numéro de compte peut apporter à ce genre de dossier pour le public ? », s’interroge notre source. Un autre universitaire a fait remarquer à WESTAF que les décisions de justice rendues en Guinée peuvent toujours être challengées au niveau des tribunaux de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). « C’était une raison suffisante pour ne pas engager ce genre de dossier de cette manière. Si les juges de l’autre côté se montrent très pointilleux, il y a des risques d’annulation des décisions rendues au niveau national. Un des cas les plus récents est celui de Karim Wade au Sénégal, qui avait été accusé de détournements », fait remarquer cette source. Selon l’expert en droit, une certaine habitude visant à marquer les esprits par des dénonciations publiques ne saurait primer sur les exigences du droit qui mettent en avant la présomption d’innocence. « Seul un tribunal peut dire qui est coupable, qui est complice et qui est innocent. La justice n’a pas de préjugés. Dans le contexte guinéen où il est question de réconcilier le public avec la justice, c’est la qualité des débats au tribunal, des éléments de preuves brandies par toutes les parties concernées par un procès, de la portée des témoignages et tout, qui permet de savoir exactement ce qui s’est passé », fait remarquer cet expert. Le CRIEF est compétente pour juger des infractions économiques et financières allant au-delà d’1 milliard de francs guinéens (environ 100000 USD), selon le texte régissant son mode de fonctionnement. Les autres infractions dont les montants en jeu sont inférieurs à ce seuil seront jugées par des tribunaux ordinaires. Selon cet expert, après le limogeage de l’ex-ministre de la Justice, Fatoumata Yarie Soumah, dont l’intégrité n’a jamais été mise en doute, il serait important que les actuels membres du gouvernement fassent leurs déclarations de biens pour donner le ton et crédibiliser l’action de la CRIEF. Westaf Mining ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Copyright © Westaf Mining - Contenu protégé. Toute reproduction partielle ou intégrale, sans l'accord préalable et écrit de Westaf Mining , est strictement interdite.

WESTAF MINING édition numéro 89 du 15 Novembre 2024

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