Le casse-tête de la récupération des biens de l’Etat en Guinée

CONAKRY, (Guinée) - La junte militaire au pouvoir depuis le 5 septembre dernier a entrepris une œuvre délicate en annonçant son intention de récupérer les biens de l’Etat. La tâche pourrait s’avérer plus ardue qu’elle ne paraît à première vue. Selon nos sources, l’ex-président Alpha Condé, avait lui-même décidé de lancer une opération « récupération des biens de l’Etat », mais il a été surpris par le coup d’Etat perpétré par le colonel Mamadi Doumbouya. La junte militaire constituée suite au coup de force avait, dans un premier temps, arrêté net les décaissements de l’Etat et gelé les comptes de la plupart des anciens dignitaires du défunt régime. Depuis quelques jours, elle affirme avoir déclenché une opération de récupération des biens de l’Etat (actifs mobiliers et immobiliers, investigations sur d’éventuelles sommes détournées, etc). Selon nos sources (confirmées par la dernière déclaration de l’agence judiciaire de l’Etat), au moins 75 dossiers sont actuellement étudiés et pourraient être transmis à la justice. En effet, il y a quelques semaines, après la décision de la junte de « dégeler » en partie les comptes de certaines administrations publiques (pour régler les dépenses indispensables et urgentes), les enquêteurs affirment avoir découvert des décaissements « excessifs et non justifiés » de la part de certains hauts responsables d’établissements publics. La plupart des personnalités ont été interrogés par les services constitués à cet effet, y compris l’Agence judiciaire de l’Etat. Par ailleurs, la junte est convaincue que 200 millions de dollars USD ont été débloqués et payés à des entreprises de BTP pour les travaux de la voirie de Conakry, « sans résultat concret » au moment de la prise de pouvoir. « Le colonel Doumbouya a d’ailleurs dû taper du poing sur la table pour obliger les entreprises payées à accélérer la cadence des travaux », affirme une source à WESTAF MINING. La voirie de Conakry (y compris la route reliant le Pont du 8 novembre et le quartier de la Belle-Vue) et l’autoroute Coyah-Mamou Dabola, sont incluses dans le package conclu par l’accord-cadre signé en 2017 entre le Chine et la Guinée, d’un montant d’environ 20 milliards USD. Une source proche du dossier a expliqué qu’il ne s’agissait nullement d’un troc, mais d’une série de prêts, adossés sur les revenus miniers, qui sont individuellement et séparément contractés durant la période de 20 ans couverte par l’accord-cadre. Environ 580 millions USD ont été débloqués pour la voirie de Conakry et l’autoroute Coyah-Mamou-Dabola, mais un paiement (non effectué jusqu’à l’arrivée des militaires au pouvoir) d’environ 400.000 USD avait bloqué l’exécution des travaux sur l’autoroute... Une source de la junte a indiqué que le pouvoir a des « preuves que des fonctionnaires étaient payés par les entreprises pour ne pas effectuer le travail qui leur avait été assigné ». Une accusation grave qui ne pourra être étayée qu’en cas de poursuite en justice d’éventuels fautifs. En attendant, des sources ont déclaré à WESTAF MINING que la junte pourrait envoyer plusieurs ex-hauts responsables de la précédente administration devant les tribunaux pour corruption, tentative de blanchiment d’argent, détournements, faux en écriture, etc. « Attaquer un citoyen ou un responsable en justice est une chose, mais avoir les preuves de ses accusations est une autre paire de manches », tempère néanmoins un avocat. L’autre point important de ce dossier est que plusieurs bâtiments attribués à des fonctionnaires, sous forme de baux emphytéotiques, ont été finalement « rachetés » par des membres de la famille, des proches ou… des acheteurs sur la base de simples arrêtés ministériels. Selon nos sources, la plupart de ces « ventes » n’ont pas obéi à la loi exigeant que les biens de l’Etat ne sortent du patrimoine national que sur la base d’un décret présidentiel. Comment parvenir à un recensement exhaustif et démêler cet imbroglio créé de toutes pièces par des fonctionnaires, chargés de gérer les biens de l’Etat ? Mystère et boule de gomme. La récupération des biens de l’Etat a toujours été un casse-tête en Guinée depuis le défunt premier président Sékou Touré (1958-1984), déclencheur de « contentieux franco-guinéen », avec la saisie de plusieurs actifs « français ». Le général Lansana Conté (1984-2008), successeur de Sékou Touré, a restitué certains biens saisis abusivement par le premier régime à des familles, pour la plupart victimes d’excès de pouvoir dans la saisie des biens issus du fameux « contentieux franco-guinéen ». Westaf Mining ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Copyright © Westaf Mining - Contenu protégé. Toute reproduction partielle ou intégrale, sans l'accord préalable et écrit de Westaf Mining , est strictement interdite.

WESTAF MINING édition numéro 89 du 15 Novembre 2024

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Westaf Mining - Edition n° 22 du 15 décembre 2021

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