Simandou, l’éternel recommencement

En décidant, à la surprise générale, de l’arrêt des travaux en cours dans le cadre de l’exploitation de la mine de fer du Simandou, les nouvelles autorités guinéennes ont surtout réussi à inquiéter, voire braquer le monde des investisseurs miniers. L’expérience accumulée dans la mise en route de ce mégaprojet semble n’avoir pas été profitable aux novices qui ont préféré trancher dans le vif, sans mesurer l’impact d’une telle annonce. Au demeurant, le blocage de tous les travaux affecte essentiellement SMB-Winning (WCS), la seule compagnie qui s’active réellement sur le terrain dans le cadre de l’aménagement des infrastructures (ouverture mine, chemin de fer de 670 km et port en eau profonde). Plus de 10000 emplois directs et indirects sont en jeu à la phase actuelle. Côté Rio Tinto, le géant minier qui contrôle Simandou sud (blocs 3 et 4), on pourrait tout au plus se plaindre de la chute des actions de la compagnie en bourse, au lendemain de la publication de la décision du gouvernement guinéen. WCS a acquis des droits miniers sur les blocs 1 et 2 (Simandou nord) après avoir remporté un appel d’offres international devant le géant australien Fortescue – qui a, par lettre, salué « un processus bien géré » ( voir lettre ). Dans la foulée, les trois conventions séparées (minière, ferroviaire et portuaire) ont été toutes approuvées par le conseil des ministres et ratifiées par l’Assemblée nationale, renforçant la position d’un groupe qui est entré en Guinée sur la pointe des pieds, en débutant dans le secteur de la bauxite. Selon nos sources, la suspension des travaux, liés à l’exploitation du Simandou, a été motivée par des manœuvres souterraines qui ont fini par convaincre les responsables de la junte militaire qu’il était possible d’une part de favoriser « une entente » entre deux sociétés concurrentes (WCS et Rio Tinto) dans la même zone, aux calendriers et aux intérêts divergents, et d’autre part de réussir le miracle d’obtenir 15% d’actions gratuites en faveur de l’Etat guinéen sur les infrastructures. Outre le manque de réalisme d’une telle approche, il apparaît clairement que quelque part, des individus, tapis dans l’ombre et manipulés par des intérêts inavouables, ont décidé de faire répéter à la junte militaire les mêmes erreurs commises en 2012 par le gouvernement de l’ex-président Alpha Condé, quand le projet de construction du chemin de fer Conakry-Kankan a été subitement bloqué, après que son promoteur BSGR – qui avait à l’époque des intérêts sur le Simandou nord -, ait été accusé de corruption. Et pourtant, le partenaire de BSGR (le géant brésilien Vale) avait exprimé toute sa volonté de réaliser ce projet au moment où les cours du minerai de fer étaient au plus haut (plus de 189 USD la tonne) ! Ce défaut de pragmatisme n’a eu pour résultat que de priver la République de Guinée aussi bien du démarrage effectif de l’exploitation du gisement de fer de Simandou que de l’opportunité d’aménager une infrastructure stratégique pour laquelle le pays a dû faire une croix. Les concurrents du tandem BSGR/Vale avaient toutefois atteint leur but : poursuivre leurs exploitations hors du territoire guinéen, en attendant (qui sait ?) des jours meilleurs pour relancer le plus grand projet, jamais initié dans le pays. Plus de dix ans plus tard, le même cauchemar ressurgit comme un lapin d’un chapeau de magicien. Dans un contrat BOT (BuildOperate Transfer), donc permettant à l’Etat d’engranger d’importants revenus durant la période d’exécution du projet (33 ans) et de récupérer gratuitement toute l’infrastructure aménagée, on a voulu faire croire qu’il était possible d’avoir 15% d’actions gratuites. Une démarche incompréhensible, jamais vue ailleurs, qui risque de bloquer le projet et refroidir les ardeurs des investisseurs. Un éternel recommencement ! Westaf Mining .................................................................................................................................

WESTAF MINING édition numéro 89 du 15 Novembre 2024

Simandou, l’éternel recommencement

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